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Date de la dernière modification :
12-05-2017
Quelques données sur
la physiopathologie du SIDA
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5
- Les différents traitements et essais
thérapeutiques
Les différentes étapes de l'infection étant bien
comprises et en attendant la mise au point toujours très hypothétique d'un
vaccin, du fait de la grande variabilité des VIH, les chercheurs ont essayé de
trouver des parades à chacune de ces étapes pour empêcher l'infection virale ou
au moins pour la rendre plus difficile et la ralentir.
1 - Action sur les récepteurs et les
corécepteurs :
La toute première étape de l'infection par le VIH est la reconnaissance de la
cellule cible et la fixation à cette cellule. Le VIH doit entrer en contact avec
la glycoprotéine de surface CD4 et avec un corécepteur : CXCR4 si la cellule
cible est le lymphocyte LT4, CCR5 s'il s'agit d'un macrophage. CXCR4 et CCR5
sont des récepteurs à chimiokines (19) ou
interleukines IL, hormones qui interviennent dans la communication entre les
différentes cellules immunocompétentes (20). Ces
chimiokines sont : SDF-1 (Stromal
cell-Derived coFactor) pour le corécepteur CXCR4, RANTES (Regular-upon-Activation, Normal T Expressed and Secreted), MIP-1a (Macrophage Inflammatory Protein), et MIP-1b pour le corécepteur CCR5. Elles interviennent dans les réactions inflammatoires
mais aussi (travaux d'équipes italiennes et américaines en 1996) pour inhiber la
pénétration du VIH dans les cellules.
- Certaines souches de VIH qui utilisent le
corécepteur CCR5 vont se fixer préférentiellement sur les macrophages et
qualifiées de ce fait macrotropiques. Ces virus qualifiés de "précoces"
- D'autres souches qui utilisent le corécepteur CXCR4 se fixent de préférence
sur les lymphocytes et sont qualifiées de lymphotropiques. Ces virus sont
appelés virus "tardifs", car ils apparaissent lorsque le SIDA est développé. Ils
utilisent en fait les deux corécepteurs et sont bloqués par la chimiokine SDF-1.
Schéma 34 : Rôle des corécepteurs
Dès les premières années de cette pandémie, les
chercheurs ont été étonnés de constater une résistance au VIH chez environ 10%
des Caucasiens, c'est-à-dire des individus de type caucasien (20a). Ces personnes ne prenaient aucune précaution
particulière (toxicomanie avec seringues partagées, rapports sexuels non
protégés) et n'ont jamais contracté le SIDA. Les généticiens se sont alors
aperçus qu'ils possédaient tous une délétion (21) homozygote (22) (donc sur les 2 chromosomes concernés) de 32 nucléotides (23) dans le gène qui code la protéine CCR5.
De ce fait, le récepteur CCR5 n'était plus
fonctionnel et le virus était incapable de se fixer sur les macrophages et donc
d'infecter ces cellules. Cette découverte a immédiatement suscité un grand
espoir de lutte contre l'infection par le VIH, mais par la suite, on a
répertorié des malades qui présentaient aussi cette délétion. Le VIH avait
réussi à contourner cette résistance.
Voulant comprendre cette particularité des
Caucasiens rencontrée sur aucun autre continent, les spécialistes ont émis
l'hypothèse que toute cette population aurait déjà été en contact avec ce virus
ou un virus proche du VIH au néolithique. Seuls les individus ayant pu
développer une résistance auraient alors survécu et correspondraient aujourd'hui
à ces 10% résistants.
Les exploitations thérapeutiques de cette
particularité ont été des tentatives pour masquer la gp120 et éviter ainsi la
reconnaissance des récepteurs et corécepteurs, et des essais pour bloquer le
site de liaison de la gp120 sur CCR5 par :
- administration de molécules complémentaires de RANTES ou de composés de
synthèse et d'antagonistes de chimiokines pour empêcher les communications entre
cellule et VIH,
- administration de fragments de CCR5 pour stimuler l'organisme à une production
d'anticorps spécifiques,
- greffe de moelle osseuse en provenance de donneurs atteints de la délétion
homozygote des 32 nucléotides. Les macrophages produits ensuite par la moelle
greffée ne présenteront plus le corécepteur CCR5 et seront donc à l'abri d'une
infection par le VIH.
(19) Chimiokine ou interleukine : ce
sont les hormones du système immunitaire, de nature protéique, sécrétées par les
cellules immunitaires et qui vont agir sur d'autres cellules possédant les
récepteurs spécifiques à ces molécules. On les retrouve dans les coopérations
cellulaires et les régulations des réponses immunitaires. Ces chimiokines sont
également appelées lymphokines lorsqu'elles sont sécrétées par les monocytes,
les macrophages et toutes les autres CPA (= cellules présentatrices de
l'antigène).
(20) Cellules immunocompétentes : ce sont toutes les cellules qui jouent un rôle
actif dans les défenses immunitaires : lymphocytes T, macrophages et
polynucléaires pour les défenses cellulaires, lymphocytes B pour les défenses
humorales avec production d'anticorps.
(20a) Dans la typologie humaine, plusieurs classifications des êtres humains ont été
proposées par différents auteurs. L'une d'entre elles, actuellement utilisée à
des fins d'identification ou de statistiques comprend les types africain,
asiatique, australien, caucasien et méditerranéen. Il faut noter que ces types
ont été définis en fonction de certaines ressemblances comme la couleur de la
peau, la synthèse de certaines enzymes, le système HLA, entre autres. Les
différentes classifications supposent donc que les critères choisis ne sont pas
tous identiques.
Autre critère très important : les différentes populations
humaines partagent toutes les mêmes gènes et les mêmes allèles. Elles ne
diffèrent que par des fréquences différentes de certains allèles et ces
différences sont d'autant plus marquées entre deux populations qu'elles sont
géographiquement éloignées. Cela suggère que les populations humaines actuelles
dérivent toutes d'une seule et même population, certainement africaine, car
c'est en Afrique que l'on trouve aujourd'hui la plus grande diversité d'allèles.
Cette population qualifiée d'ancestrale n'aurait compté que quelques dizaines
de milliers d'individus. Certains auteurs, notamment les américains utilisent
encore le terme "races" pour distinguer les différentes populations de la lignée
humaine, mais cette notion de race est aujourd'hui infondée et, en France, on
utilise plutôt le mot "type".
Le type caucasien regroupe les individus blancs, donc à peau claire, les
synonymes sont nombreux : caucasoïde, européen, européen de l'Est, europoïde,
leucodermes.
Il existe d'autres classifications, notamment celle résultant d'une étude récente du génome humain et qui définit qui définit 7 groupes d'individus : les Africains sub-sahariens, les Européens,
les habitants du Moyen-Orient, les Asiatiques de l'Est, les asiatiques de
l'ouest, les Océaniens et les Indiens d'Amérique.
(21) Délétion : perte d'un fragment de matériel génétique (ADN ou ARN), pouvant
aller d'une simple paire de bases jusqu'à un fragment important de chromosome.
Si la délétion est importante, le risque de survie devient faible.
(22) Homozygote : individu qui possède, pour un même gène, le même allèle sur
les deux chromosomes homologues de la paire concernée par ce gène.
(23) Nucléotide : un nucléotide
correspond à un ensemble pentose (ribose dans l'ARN ou acide ribonucléique et
désoxyribose dans l'ADN ou acide désoxyribonucléique), phosphate, base azotée.
Ces bases sont au nombre de cinq : A ou adénine, T ou thymine, C ou cytosine et
G ou guanine. La cinquième est U ou uracile qui remplace la thymine dans l'ARN.
Ces nucléotides mis bouts à bouts constituent une très longue molécule ou
"brin". L'ADN est formé de 2 brins de nucléotides (on dit aussi que la molécule
est bicaténaire), alors que l'ARN est monobrin ou monocaténaire.
2 - Autres actions à l'extérieur de la cellule : une approche génétique
*
Comme cela a été évoqué ci-dessus avec l'administration de fragments CCR5, l'un
des buts recherchés a été d'augmenter les réactions de défense immunitaires des
cellules infectées en inoculant des particules virales inactivées. C'est le
principe de la vaccination qui est déjà utilisé avec succès pour la poliomyélite
par exemple.
* Toujours avec le même objectif de faire produire des anticorps par le système
immunitaire, on a inséré dans des cellules musculaires (ou d'autres cellules),
un plasmide (24) contenant une séquence qui code
une protéine de surface du VIH ou une partie d'une protéine de surface du VIH.
La cellule se met alors à produire cette protéine et l'exprime à l'extérieur de
sa membrane. Il n'y a pas d'ARN ni d'ADN viral, donc pas de création de VIH
comme dans une infection "normale". Le but recherché est évidemment qu'elle soit
reconnue comme étrangère par le système immunitaire, qu'il la détruise, mais
surtout que cela induise la fabrication d'anticorps spécifiques anti-VIH.
* Autre technique essayée pour faire en sorte que le virus ne puisse pas se
fixer sur la membrane et empêcher ainsi sa pénétration : faire en sorte que les
récepteurs (CD4 par ex.) ne soient plus enchâssés dans la membrane mais flottent
librement dans le milieu extracellulaire. C'est ce que l'on appelle des
récepteurs "solubles". Pour cela, les chercheurs ont modifié le gène codant ces
récepteurs, l'ont inclus dans un plasmide et l'ont ensuite intégré dans le noyau
des cellules. Ces nouveaux récepteurs une fois exprimés ont quitté la cellule au
lieu de se fixer dans membrane. C'est dans le plasma que les liaisons récepteurs
/ protéines de surface du VIH se sont faites, empêchant ainsi la fixation VIH /
cellule.
Schéma 35 : Insertion d'un gène viral dans une cellule
Schéma 36 : Modification d'un gène humain
(24) Plasmide : N. m. Du
grec plasma [plasm(o)-, -plasme],
ouvrage façonné. En biologie : se rapporte au liquide sanguin ou
intracellulaire. Du grec eidos [-ide, -idie], apparence. Le plasmide est une molécule circulaire
d'ADN (acide désoxyribonucléique) que l'on trouve chez les bactéries et les
levures. Les plasmides ont la particularité de se reproduire
(autoréplication) indépendamment du matériel génétique
"classique", constitué par les chromosomes. On les appelle aussi
parfois chromosomes circulaires et c'est sur eux qu'ont porté les premières
expériences de transgenèse (introduction d'un gène étranger) ayant produit
des plasmides recombinés ou plasmides chimères.
Les plasmides
des bactéries ont la particularité de présenter des gènes de résistance aux
antibiotiques et de pouvoir se transférer à d'autres cellules, de la même
espèce ou d'une espèce génétiquement proche. Si le plasmide porte un ou
plusieurs gènes qui codent une résistance aux antibiotiques, on l'appelle
plasmide R (du mot résistance). Le plasmide F (ou facteur F) est un plasmide
particulier qui intervient dans la sexualité des bactéries. Il est noté
H- s'il est absent.
3 - Actions sur la fusion des membranes
Un nouveau médicament particulièrement efficace, qui empêche
le virus du sida d'envahir les cellules de l'organisme, a été présenté à la
quatorzième conférence internationale sur le sida, (7 au 12 juillet 2002 - à
Barcelone, Espagne).
"Baptisé T-20, ce médicament pourrait redonner espoir aux malades
atteints de virus qui résistent aux traitements actuels. Celui-ci appartient
aux inhibiteurs de la fusion, une nouvelle classe d'antiviraux qui diminuent
considérablement la quantité de virus présent dans le sang (charge virale)
des malades. T-20 empêche le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)
d'envahir les cellules du système immunitaire (T CD4) alors que les traitements
existants agissent contre le virus quand celui-ci a déjà pénétré les
cellules.
Deux expériences ont été réalisées : mille patients australiens,
brésiliens, européens et nord-américains, chez lesquels les médicaments
disponibles restent sans effet, ont servi de cobayes. Tous les sujets ont
continué à prendre leur traitement. Les deux tiers d'entre eux se sont vus
administrer, en plus, du T-20, à raison de deux injections quotidiennes. La
première expérience a révélé que la charge virale de plus de 30% des
patients sous T-20 avait baissé sensiblement au-dessous des niveaux de détection,
après 24 semaines, contre seulement 16% des individus soumis aux anciens médicaments.
Dans la seconde expérience, les taux étaient respectivement de 28% et 14%.
Selon le professeur Bonaventura Clotet, responsable de la section sida à l'hôpital
Germans Trias i Pujol de Barcelone et impliqué dans les recherches, le T20 est
considéré par les scientifiques comme le médicament le plus complexe produit
jusqu'à présent. T-20 est fabriqué par les laboratoires suisse Roche et américain
Trimeris. Cependant son coût prohibitif risque d'en limiter l'usage. On parle de 10 à 12
000 dollars par patient et par an". Un seul chiffre : chaque année, plus de trois
millions de personnes atteintes du SIDA décèdent.
4 - Actions sur la rétrotranscription
Approche médicamenteuse : les inhibiteurs de la transcriptase inverse (ITI)
Ce sont des
molécules qui interviennent dans la cellule pour entraver l’action d’une
enzyme virale, la transcriptase inverse ou RT, et empêcher ainsi la transcription de
l’ARN du virus en ADN viral qui parasite l’ADN de la cellule hôte. Ces
produits ont été les premiers utilisés dans la lutte contre la multiplication
du virus dans l’organisme dès les années 80 (AZT commercialisé en 1987, c'est un
homologue de nucléotide qui inhibe l'action de la reverse transcriptase) et le début des années
90 (ddI, ddC). La famille s’est agrandie, et l’on compte aujourd’hui près
d’une dizaine d’inhibiteurs de la transcriptase inverse : AZT (Rétrovir®),
ddI (Videx®), ddC (Hivid®), 3TC (Epivir®), d4T (Zérit®), AZT+3TC (Combivir®),
névirapine (Viramune®), delavirdine (Rescriptor®), efavirenz (Sustiva®).
Approche par thérapie génique : la production
d'anticorps intracellulaires
Schéma 37 : Un anticorps circulant : IgM
Schéma 38 : Schéma d'interprétation : IgM
Principe : Les anticorps (AC) que produisent nos
lymphocytes B (LB) pendant les réactions immunitaires à médiation humorale sont
des protéines extrêmement complexes, avec 2 chaînes lourdes et deux chaînes
légères, reliées par des ponts disulfures. Cet ensemble a grossièrement la forme
d'un Y et chaque chaîne possède une partie constante (en brun sur le schéma) et
une partie variable (en vert). Ce sont ces dernières qui déterminent deux sites
de reconnaissance de l'antigène (AG).
Schéma 39 : Un anticorps SCA
Cependant, la fabrication d'un AC est
tellement complexe que la plupart de nos cellules n'en sont pas capables (hormis
les LB). Pour pallier cette difficulté, les chercheurs ont mis au point et
développé des AC beaucoup plus simples, mais qui gardent leur propriété
essentielle de reconnaissance et de fixation de l'AG : ce sont les SCA (Single Chain Antibody ou anticorps à chaîne simple). Pour qu'ils soient
efficaces et en même temps qu'ils puissent être synthétisés par nos cellules
(LT4 et macrophages), ces SCA ne seront constitués que d'une seule chaîne,
formée par l'assemblage d'une chaîne légère et du fragment terminal NH2 d'une chaîne lourde. Ces deux éléments ne seront plus reliés par des ponts
disulfures mais par une chaîne d'acides aminés. Les chercheurs ont réussi à
mettre au point un tel gène qu'ils ont introduit dans des cellules prélevées
dans de la moelle osseuse de patients, grâce à des vecteurs viraux qui ont
intégré ce gène à l'ADN. La moelle contenant ces cellules modifiées par thérapie
génique a ensuite été réinjectée au patient. Les nouvelles cellules remplacent
progressivement les anciennes.
Malheureusement, ces essais ont été assez
décevants car dirigés au départ uniquement contre la rétrotranscription. En
effet, dans sa capside, le virus possède la RT (protéine responsable de cette
rétrotranscription) qui est déjà au travail au moment de l'infection de la
cellule modifiée. Les anticorps SCA ont eu de ce fait un effet très limité. De
plus, ces cellules subissent des assauts constants des virus et finissent par
céder. Mais ces anticorps SCA ont été par la suite adaptés à d'autres phases de
l'infection : SCA dirigés contre l'intégrase par ex. et les chercheurs se sont
rendu compte que pour lutter efficacement contre le VIH, il faut utiliser
simultanément plusieurs types de thérapie génique et y associer des médicaments
antirétroviraux.
5 - Les antiprotéases (AP) :
Approche médicamenteuse : les inhibiteurs de la
protéase (IP)
En 1996, de
nouvelles molécules sont apparues sur le marché, agissant à un autre stade de la reproduction du VIH en
s’attaquant à l’activité de la protéase, enzyme virale qui permet la
maturation des nouveaux virus créés par la cellule infectée. Grâce à
l’action des antiprotéases (qui sont jusqu'à 1000 fois plus puissantes que
les ITI ou inhibiteurs de la transcriptase inverse), la cellule produit des virions immatures incapables d’infecter de
nouvelles cellules. Parmi ces nouvelles molécules : ritonavir (Norvir®), indinavir (Crixivan®), saquinavir (Invirase®
et Fortovase®), nelfinavir (Viracept®). On sait aujourd'hui que les
antiprotéases ne guérissent pas les malades mais permettent de diminuer
considérablement la charge virale (quantité de virus présents dans le sang) et,
associés par deux ou trois (bi ou trithérapies), elles ont permis, chez de
nombreux malades, de rendre cette charge virale indétectable.
Approche par thérapie génique : la production de
"pièges" à protéines (anticorps anti-protéine)
Le but recherche est d'empêcher
l'expression de l'ADN viral lorsqu'il est inséré dans l'ADN cellulaire. Pour que
cette expression se fasse normalement, on sait qu'il faut l'intervention des
protéines Tat (qui augmente l'expression des gènes du VIH en se fixant sur une
séquence TAR de l'ARNm) et Rev (qui diminue la fréquence d'épissage en se fixant sur la
séquence RRE), entre autres. Une solution serait donc de modifier ces protéines
ou d'empêcher leur action. Des essais ont été menés pour introduire dans l'ADN
cellulaire des gènes codant pour les séquences RRE et/ou TAR. Cet ADN ainsi
modifié produit des ARNm qui piègent les protéines Rev ou Tat, empêchant de ce
fait la production d'ARN viral et donc la production de VIH.
6 - Les ribosymes :
Schéma 40 : Le dogme de Watson
C'est
en 1983 que des chercheurs d'une université de Californie découvrirent, chez un
protozoaire, un ARN ribosomial qui fonctionnait comme une enzyme et qu'ils
baptisèrent ribosyme. En 1953 Watson émit sa théorie (le Dogme de Watson) - voir schéma.
La compréhension de la reverse transcription ou transcription inverse allait
bouleverser ce dogme car un ARN (celui du VIH) pouvait, grâce à la
rétrotranscription, être transcrit en ADN, mais était aussi capable de
réplication. Le nouvel ADN fait partie intégrante du génome "muté" de la
cellule. Si l'ADN nouvellement intégré comporte un oncogène, la cellule devient
cancéreuse ; si c'est l'ADN du VIH, elle fabrique de nouveaux virus.
Aujourd'hui, on connaît mieux les ribosymes,
acides nucléiques capables de scinder l'ARN en deux séquences homologues. Les
chercheurs ont donc développé un gène dont l'expression donne naissance à des
ribosymes capables de couper l'ARN viral après reconnaissance d'une séquence
particulière. Le but est d'empêcher la formation d'un ARN viral complet ou
suffisamment grand pour qu'il contienne les gènes les plus longs. Cet ARN
incomplet n'induit plus la production de VIH.
L'utilisation de ces ARN à activité enzymatique ou ribosymes est une thérapie
génique dite "antisens" car elle permet de dégrader une séquence déterminée
d'ARN et donc de la neutraliser.
7 - Action sur la conformation de l'ADN cellulaire :
Schéma 41 : La molécule d'ADN
On connaît parfaitement la
structure en double hélice de l'ADN, ainsi que les mécanismes qui permettent sa
transcription en ARNm : ouverture de cette double hélice par une enzyme, puis
copie d'une séquence de cet ADN en ARNm.
L'idée des chercheurs a été de
transformer, dans les cellules cibles du VIH, la double hélice en triple hélice,
de façon que l'ouverture qui précède la traduction en ARNm devienne impossible.
Du point de vue technique, cette triple hélice a été formée à adjoignant à l'ADN
cellulaire (déjà "piraté" par l'ADN viral) un ADNc complémentaire de l'ADN viral
(voir sur la page précédente : 4 - Passage à l'ADN double brin).
On peut imaginer cet ADN très particulier en ajoutant, sur le schéma (à droite)
de l'ADN normal, une troisième hélice pour en faire un ADN tricaténaire.
Toujours dans le cadre des
actions sur les acides nucléiques, une autre technique a été abordée : bloquer
l'ARNm viral avant qu'il ne puisse commencer sa traduction au niveau des
ribosomes de la cellule, c'est-à-dire empêcher la formation des protéines
précurseurs du VIH. Pour cela, les chercheurs ont produit un ADN parfaitement
complémentaire à l'ARNm viral qui a pour rôle de se lier avec l'ARNm. La
traduction au niveau des ribosomes devient impossible.
8 - Action sur les protéines précurseurs ou polyprotéines :
Revoir le schéma "Le génome (ARN) du VIH - 1ère partie" sur la page description.
Cette technique agit sur les gènes qui codent les polyprotéines : gènes
rétroviraux ou gènes de structure. Ces polyprotéines seront soumises à l'action
d'une protéase pour les clivages.
* Le gène gag (groupe antigénique) qui code
une protéine Gag prp55 précurseur, c'est-à-dire qu'elle sera ensuite clivée en
plusieurs
autres protéines : p17 et p24 pour les capsides ; p7 et p9 qui sont des
protéines de la nucléocapside.
* Le gène pol (polymérase) code la protéine
précurseur Pol prp180 qui sera clivée en p66 et p51 (reverse transcriptase), p32 (intégrase) et p10
(protéase).
* Le gène env (enveloppe) code une protéine Env pr gp160 précurseur qui sera clivée en gp41 et gp120, les deux protéines qui
constituent les "spicules" de l'enveloppe.
Le but est d'empêcher l'action de la protéase sur les polyprotéines de façon à
ce que la maturation des protéines virales ne se fasse pas. Cette technique par
antiprotéase est essentiellement médicamenteuse et non dénuée d'une certaine
toxicité.
Schéma 42 : Production des protéines du VIH
Schéma 43 : Inhibition de la production des protéines du VIH
9 - Action sur le bourgeonnement des VIH :
Retour aux anticorps SCA (voir 4 - ci-dessus). Le
but est d'empêcher le bourgeonnement des virus et en particulier le fait que la
capside, une fois formée dans le cytoplasme, s'entoure d'une partie de la
membrane cellulaire sur laquelle les protéines gp120 et gp 41 se sont fixées. On
dirige donc des anticorps SCA contre les protéines virales D'autres essais ont
été menés en intégrant à l'ADN cellulaire un gène qui code un récepteur soluble,
capable de se fixer sur les protéines virales, les rendant ainsi inopérantes. Le
complexe récepteur soluble - protéine virale est ensuite rapidement dégradé dans
les lysosomes (ce sont des compartiments cellulaires chargés des dégradations).
Toutes ces méthodes ont
rencontré plus ou moins de succès et n'en sont restées qu'à l'état d'essais
thérapeutiques. Dans la majorité des cas, le VIH a trouvé le moyen de contourner
ces obstacles. De toutes façons, c'est une combinaison de ces thérapies
géniques, associée à une multithérapie pharmacologique, qui permettra de réduire
très significativement la charge virale.
10 - Et maintenant ?
Les multithérapies : les premiers médicaments n’étant pas
suffisamment puissants individuellement, dès que cela été possible, les médecins
ont commencé à prescrire des bithérapies, c’est à dire 2 inhibiteurs de la
transcriptase inverse, permettant une action plus efficace sur l’activité du
virus. À partir de 1996, c’est l’association d’une antiprotéase à deux
ITI qui a donné naissance à ce qu’on appelle les trithérapies. On parle
maintenant de multithérapie, car le nombre de molécules utilisées peut varier
de 2 à 5. L’utilisation de plusieurs médicaments de plus en plus puissants
est motivée par les capacités du virus à muter et créer des résistances
face aux diverses molécules qui perdent alors de leur efficacité. En effet
lors de la transcription de l’ARN viral en ADN, la transcriptase commet des
erreurs créant ainsi des virus mutants, certaines mutations entraînant une
baisse de la sensibilité du virus aux médicaments. Le virus se multipliant
jusqu'à plusieurs milliards de fois dans l’organisme chaque jour, le rôle
des multithérapies est notamment de réduire considérablement et si possible
rapidement cette multiplication, limitant ainsi également les possibilités de
mutation virale et les phénomènes de résistance.
Le 16 novembre 2004, dans un article publié par la revue "Immunity", un
laboratoire du CNRS de Strasbourg (équipe de Sylviane MULLER, immunologie et
chimie thérapeutique - Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire) associé à
l'équipe d'Ara HOVANESSIAN (CNRS - Institut Pasteur de Paris), annonce qu'ils
ont réussi à produire des AC (anticorps) capables de bloquer l'infection des
lymphocytes par les virus du SIDA. Pour l'instant, cette production d'AC a été
induite chez des lapins. Les AC sont capables d'empêcher l'infection des
lymphocytes T CD4 par les différentes souches du VIH-1, le plus répandu sur la
planète. Les chercheurs ont identifié une portion (un domaine) de la protéine
gp41 de l'enveloppe du virus (revoir le schéma du virus) qui interagit avec un
composant de la membrane des cellules : la cavéoline. Avec d'autres composants
de la membrane cellulaire, la cavéoline intervient lors de l'entrée du virus
dans la cellule. Sur le virus, c'est la protéine CBD1 qui se lie à la cavéoline.
Les chercheurs ont immunisé des lapins grâce à un produit de synthèse semblable
au CBD1 qui non seulement a inhibé l'infection des lymphocytes par les VIH, mais
a aussi perturbé la reproduction du virus en conduisant à la production de virus
défectifs, incapables d'infecter d'autres cellules. Les chercheurs ont montré
que le produit de synthèse est plus efficace pour la production d'AC que la
protéine naturelle. L'idée des chercheurs est donc d'injecter ce produit de
synthèse à des sujets sains ou porteurs du VIH pour qu'ils produisent des AC
capables de neutraliser les virus.
En janvier 2006, le professeur Jean-Claude
CHERMANN annonce avoir mis au point, avec les laboratoires IVAGEN, un test
ELISA anti-R7V qui permettrait de dire si un malade séropositif
développera ou non le SIDA. Grand intérêt : ne pas prescrire inutilement une
thérapie lourde et coûteuse. Explications :
On sait depuis une quinzaine d'années que certains sujets séropositifs pour le
VIH ne développent jamais le SIDA. On les appelle les sujets non-progresseurs à
long terme. Cette qualification s'applique à des personnes qui :
- sont séropositives depuis au moins 8 ans
- ont un état clinique asymptomatique, c'est-à-dire ne
développent aucune pathologie opportuniste
- ont un taux sanguin de T CD4 toujours supérieur à 500 par
mL
- n'ont aucun traitement antirétroviral.
On savait déjà qu'une faible partie de la
population blanche (environ 1%) présente une mutation du gène codant le
corécepteur CCR5, qui produit de ce fait une protéine de surface dans laquelle
il manque un domaine transmembranaire. Conséquence : le VIH ne peut plus entrer
dans les cellules, notamment les lymphocytes.
Le R7V est un épitope (partie d'un antigène qui peut
déclencher une réaction
immunitaire avec formation d'anticorps) qui appartient à une protéine d'origine
cellulaire, présente à la surface de tous les VIH et qui a la particularité
de ne pas varier. Des patients non-progresseurs possèdent des anticorps
anti-R7V. Le test ELISA mis au point par le professeur Chermann permettrait donc
de détecter précocement ces malades séropositifs et éviter ainsi la prise d'une
multithérapie inutile et coûteuse.
* Le 18 février 2015, dans un article publié par la revue "Nature",
une équipe américaine dirigée par le Pr. Michael FARZAN, du Scipps Tesearch Institute (Floride), annonce avoir développé un inhibiteur contre le VIH-1, le principal type de virus du sida. Le composé, baptisé eCD4-Ig offre une résistance d'au moins huit mois chez les singes macaques sur lesquels ils ont testé cette thérapie. eCD4-Ig a été associé à un adénovirus inoffensif qui a été capable de pénétrer dans les cellules, ainsi obligées de fabriquer la protéine de défense, créant ainsi un effet antisida prolongé.
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